Mémoire sur le Plan d’urbanisme et de mobilité 2050 (PUM) de la Ville de Montréal
C’est avec grand intérêt pour l’actuelle consultation publique de l’OCPM pour le projet de Plan d’urbanisme et de mobilité (PUM) de la Ville de Montréal que le CERIEC et l’Institut AdapT vous transmettent le présent mémoire.
Introduction
Les changements climatiques sont désormais une réalité incontournable qui affecte divers aspects de notre vie quotidienne. La montée des températures, les événements météorologiques extrêmes et les bouleversements environnementaux sont de plus en plus fréquents et ont des répercussions significatives sur notre économie et notre qualité de vie. Les coûts associés à ces phénomènes augmentent de manière alarmante, soulignant l’urgence de repenser nos approches en matière d’urbanisme et de gestion des ressources. Il est évident que les défis liés aux changements climatiques sont persistants et nécessitent des stratégies de long terme pour atténuer leurs impacts.
Pour faire face à ces défis, une collaboration étroite entre les gouvernements, les entreprises, les citoyens et le monde académique est essentielle. Il est crucial d’intégrer des cibles et mesures concrètes de durabilité, de circularité et de résilience dans les politiques d’urbanisme et les projets d’infrastructure. Les investissements dans des infrastructures adaptées et des stratégies de gestion des risques peuvent non seulement réduire les coûts liés aux catastrophes climatiques, mais aussi améliorer la qualité de vie des communautés. En nous appuyant sur l’expertise académique pour développer des solutions innovantes et en mettant en œuvre des pratiques de construction durable, résiliente et circulaire, nous pouvons mieux nous préparer à un avenir marqué par des conditions climatiques changeantes.
RECOMMANDATION 1.
L’innovation et la recherche comme alliés incontournables
Le Plan d’urbanisme et de mobilité de la Ville de Montréal représente une avancée significative vers un avenir urbain durable, aligné avec les objectifs de transition écologique et d’équité sociale. Cependant, malgré ses nombreux atouts, il est important que le plan intègre de manière plus explicite des stratégies mesurables pour l’adaptation aux changements climatiques. Les événements climatiques extrêmes deviennent de plus en plus fréquents, ce qui exige une révision approfondie des pratiques d’aménagement et de construction. Ce mémoire se penche sur l’importance d’intégrer des cibles spécifiques pour l’adaptation aux changements climatiques et propose des recommandations pour renforcer la résilience du territoire montréalais.
Nous soulignons que l’ampleur du défi est telle qu’une collaboration avec le milieu académique est essentielle. Les investissements nécessaires sont conséquents et leur succès dépend fortement du soutien des chercheurs et des institutions universitaires. Montréal, en tant que berceau d’universités mondialement reconnues, doit exploiter pleinement son savoir, ses recherches et ses innovations pour le bien de la société. Alors que nous devons nous adapter aux défis climatiques et devenir résilients, le milieu académique joue un rôle déterminant dans cette démarche. Il est impératif d’intégrer cette collaboration pour assurer l’efficacité et la durabilité de tout projet urbain.
La Ville de Montréal devrait favoriser la recherche et l’innovation dans le domaine de l’adaptation climatique. La collaboration avec les institutions académiques peut jouer un rôle clé dans le développement de solutions novatrices pour améliorer la résilience, la durabilité et la circularité des infrastructures urbaines. Le soutien à des projets pilotes et à des initiatives de recherche est incontournable, il faut tester de nouvelles approches avant leur adoption à grande échelle.
RECOMMANDATION 2.
Extrait Orientation 9 – Améliorer la performance environnementale et la résilience des bâtiments, des terrains et des infrastructures d’utilité publique. La transition écologique demande de revoir les façons de construire, de rénover et d’aménager les bâtiments, les terrains et les infrastructures. Pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050 et contribuer à la lutte contre les changements climatiques, Montréal développe une stratégie de sobriété et d’efficacité énergétique, de décarbonation et d’amélioration de la résilience aux aléas climatiques pour les bâtiments, les terrains et les infrastructures sur son territoire. Montréal entend ainsi abandonner progressivement les énergies fossiles et généraliser le recours aux énergies renouvelables dans les transformations du parc immobilier existant et dans les nouvelles constructions. Parallèlement, les bâtiments doivent être adaptés pour affronter un climat différent, plus instable et ponctué d’événements météorologiques extrêmes. L’adaptation concerne également l’ensemble des infrastructures et des équipements d’utilité publique.
Objectifs :
- Accélérer la décarbonation des bâtiments
- Augmenter la résilience aux aléas climatiques des bâtiments, des terrains, des infrastructures et des équipements d’utilité publique
- Minimiser l’impact environnemental de la construction, la rénovation, la déconstruction, l’occupation et la gestion des bâtiments et des terrains
Cibles :
- En 2040, 100 % des opérations dans les bâtiments sont décarbonées.
- En 2050, 100 % des nouveaux bâtiments ou toute rénovation majeure à Montréal comportent des matériaux de construction recyclés et revalorisés.
- En 2050, 100 % des bâtiments permettent un taux de détournement des matières résiduelles de 100 %.
Des cibles claires et mesurables
La Ville de Montréal fait face à une réalité climatique de plus en plus complexe, marquée par des épisodes de chaleur intense, des tempêtes violentes et des inondations. Le Plan d’urbanisme et de mobilité 2050 aborde ces enjeux dans son orientation 9 en mettant l’accent sur la performance environnementale et la résilience des infrastructures. Néanmoins, il manque des cibles concrètes pour inciter à l’adaptation des bâtiments, des infrastructures et des terrains face aux aléas climatiques.
Les infrastructures publiques, telles que les réseaux d’assainissement, les ponts et les routes, doivent être conçues et adaptées en tenant compte des scénarios climatiques futurs. L’ajout de cibles précises pour ces infrastructures, comme des normes de construction adaptées aux nouvelles conditions climatiques, pourrait permettre d’améliorer la résilience aux événements météorologiques extrêmes. Des objectifs comme la certification de tous les nouveaux bâtiments selon des normes de résilience climatique spécifiques d’ici 2040 pourraient être introduits. De même, des cibles pour la réhabilitation des infrastructures existantes pour les rendre plus résistantes aux inondations et aux vagues de chaleur seraient pertinentes.
Ajout proposé – cible :
- En 2050, 100% des bâtiments nouveaux ou rénovés suivent les normes ISO 14090 sur l’adaptation aux changements climatiques ou toutes autres normes adaptées à la situation.
- En 2050, 50% des bâtiments nouveaux ou rénovés comportent des matériaux réutilisés, recyclés ou revalorisés
Modification proposée – cible :
- En 2050, 100 % des nouveaux bâtiments ou toute rénovation majeure à Montréal comportent des matériaux de construction recyclés
et revaloriséset sont déconstructibles
Modification proposée – objectif :
- Minimiser l’impact environnemental de la construction, la rénovation, la déconstruction, l’occupation et la gestion des bâtiments et des terrains par la mise en œuvre de stratégies appropriées de circularité
RECOMMANDATION 3.
Extrait Orientation 3 – Bâtir les conditions d’une abordabilité pérenne et d’une qualité de l’habitation, Montréal réaffirme sa volonté de faire du logement et du maintien de son abordabilité, sa priorité en habitation. Malgré 135 000 mises en chantier réalisées entre 2004 et 2021 et les efforts de production de logements abordables et sociaux, l’offre de logements reste insuffisante pour répondre aux besoins de la population montréalaise et à la capacité de payer des ménages. La difficulté d’accès au logement rend indispensable l’intervention des pouvoirs publics. En améliorant l’accès à un logement adapté aux besoins des Montréalaises et des Montréalais dans toute leur diversité, Montréal vise à demeurer une ville accueillante, équitable et inclusive. La production résidentielle doit soutenir la diversité des logements sans se faire au détriment de sa qualité. Une attention particulière est portée à la qualité de conception de ceux-ci ainsi qu’aux espaces qui les bordent et qui composent le prolongement du lieu de vie (balcons, cours, espaces communs, etc.). L’amélioration de la qualité doit également miser sur la lutte contre l’insalubrité des logements, l’entretien et la rénovation des bâtiments.
Objectifs :
- Accroître l’offre de logements et sa diversité
- Accroître le patrimoine collectif de logements à l’abri de la spéculation
- Assurer l’abordabilité et la rénovation du parc de logements locatifs et offrir des conditions de logement décentes
- Renforcer le niveau de qualité de l’habitat, de l’immeuble au milieu de vie
Cibles :
- En 2050, Montréal compte 1 120 000 logements.
- En 2050, Montréal compte 20 % de logements hors marché sur son territoire, dont au moins 75 % de logements sociaux.
Bâtir avec l’adaptation climatique en tête
Une dimension essentielle semble manquer dans l’orientation 3 du PUM : l’intégration systématique de l’adaptation aux aléas climatiques dans la conception et la construction des logements. Nous croyons que l’accent devrait être mis non seulement sur l’augmentation de l’offre de logements abordables, mais aussi sur l’intégration de critères d’adaptabilité aux aléas climatiques. Tel que l’orientation 9 au point 9.2. du PUM. Des critères de qualité et de circularité qui garantissent la durabilité, la performance énergétique et environnementale, et le confort des occupants devraient être intégrés dans tous les appels à projets. La sélection de matériaux à faible empreinte carbone et la mise en œuvre de pratiques de construction rigoureuses sont essentielles pour minimiser l’impact environnemental et optimiser la résilience des logements face aux conditions climatiques extrêmes. En intégrant ces aspects dès la phase de conception, il est possible de créer des logements qui non seulement répondent aux besoins des occupants, mais aussi contribuent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à une meilleure adaptation aux aléas climatiques.
Viser plus de logements abordables, oui, mais durables, circulaires et résilients. Les besoins en matière de logement abordable exigent des solutions d’adaptation personnalisées, compte tenu des contraintes financières de ses occupants. La recherche peut jouer un rôle déterminant dans l’identification de ces solutions. Étant donné la vulnérabilité accrue des ménages à faible revenu face aux changements climatiques, il est impératif de mettre en place des mesures d’adaptation ciblées pour ce type de logement.
Modification proposée – objectif :
- Accroître l’offre de logements résilients et sa diversité
- Renforcer le niveau de qualité et de résilience de l’habitat, de l’immeuble au milieu de vie
Modification proposée – cibles :
- En 2050, Montréal compte 1 120 000 logements circulaires et résilients aux aléas climatiques
RECOMMANDATION 4.
L’importance de mesurer la performance environnementale des ouvrages sur l’ensemble de leur cycle de vie, intégrant la circularité et l’adaptation aux changements climatiques
Afin que le PUM ait une portée plus ambitieuse et plus cohérente avec les objectifs climatiques, la notion de performance environnementale doit être élargie à l’ensemble du cycle de vie des bâtiments et non seulement à sa phase d’utilisation, axée sur des mesures d’efficacité énergétique.
C’est l’ensemble des décisions, dès la conception des ouvrages, qui détermine si un bâtiment est durable, circulaire et résilient, ou au contraire jetable, intensif en consommation de matières vierges et non adapté aux réalités climatiques actuelles et futures. Ces décisions doivent prendre en compte, entre autres, les approches de conception et les modes de construction, les matériaux, leur provenance, les modes de transport pour les acheminer et les approches de déconstruction des bâtiments en fin de cycle. Les stratégies de circularité et d’adaptation aux changements climatiques représentent d’incontournables leviers pour réduire les émissions sur la toute la durée de vie d’un bâtiment. Elles constituent des outils concrets pour soutenir les acteurs dans leurs choix pour une construction plus performante au plan environnemental
Conclusion
Le Plan d’Urbanisme et de Mobilité de Montréal constitue une base solide pour le développement d’une ville plus durable et équitable. Toutefois, pour faire face efficacement aux défis croissants posés par les changements climatiques, il est impératif d’intégrer des cibles spécifiques pour l’adaptation climatique dans le plan. En mettant l’accent sur l’adaptation des infrastructures et des bâtiments, et en favorisant l’innovation, Montréal pourra non seulement répondre aux enjeux climatiques actuels, mais aussi préparer un avenir plus résilient pour ses citoyens. La mise en œuvre de ces recommandations garantira que le développement urbain de la ville soit en harmonie avec les réalités climatiques futures, tout en protégeant les investissements et la qualité de vie des Montréalaises et Montréalais.
À propos de nos organisations
À propos du CERIEC
Créé en septembre 2020 à l’ÉTS, le CERIEC contribue au façonnement et au déploiement de l’économie circulaire par la mise en place d’un programme de recherche scientifique interdisciplinaire ainsi que par des initiatives misant sur la formation, le dialogue, la valorisation et le transfert des connaissances. Ces actions visent à maximiser les retombées pour les acteurs économiques, les gouvernements et la société civile.
À propos de l’Institut AdapT
L’Institut AdapT a pour mission de favoriser l’étude, le développement et la mise en œuvre de technologies et pratiques de pointe pour la conception et la construction d’infrastructures résilientes. Plus de 200 chercheurs, issus de tous les domaines, dont notamment de l’ingénierie, de la gestion et des sciences humaines œuvrent à développer des solutions innovantes qui permettront de construire autrement des infrastructures plus adaptées aux nouvelles conditions climatiques, tout en réduisant leur empreinte environnementale.
Signataires
Daniel Normandin – Directeur du CERIEC
Annie Levasseur – Directrice scientifique de l’Institut AdapT. InstitutAdapT@etsmtl.ca